Marches Européennes
contre le chômage, la précarité et les exclusions

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Quelles perspectives ?

DES DROITS SOCIAUX COMMUNS À L’ENSEMBLE DES RÉSIDENTS DE L’UNION

Pierre Barge, secrétaire général de la FIDH-AE, secrétariat général de la LDH

Nous ne pouvons que partir d’un certain nombre de constats, avant de nous interroger sur la façon de participer à la construction d’un Europe sociale en contre poids à l’Europe des marchés.

Une Europe où coexiste concurrence du marché et concurrence des droits

La croissance économique de 1945 à 1974 est liée principalement au développement du marché intérieur des « États - nations » ; en 1945 le commerce mondial ne représentait que 7% de la production mondiale, il a atteint 15% en 1973. Cette croissance a été accompagnée de la construction d’un système de droits sociaux garant de la cohésion sociale, ce qu’il est convenu d’appeler en Europe le « modèle social européen ». Avec la crise de 1974, c’est l’effondrement de pans entiers de l’économie, c’est la montée du chômage et de l’exclusion.

Les restructurations économiques qui ont accompagné la reprise des années 1980 ont été motivées par une volonté d’ouverture du marché et par une préférence pour une économie concurrentielle. La nouvelle croissance économique se caractérise par l’accroissement des importations et des exportations de marchandises qui atteignent, en ce début de siècle, 30% de la production mondiale. Cette croissance ne s’est pas accompagnée pour autant d’une diminution des inégalités sociales. Dans les pays du Nord, la pauvreté et la précarité touche plus de 10% de la population. À Montpellier, en France, la dynamique économique remarquable de l’agglomération ne permet pas de résorber le chômage qui se maintien au taux de 13% de la population active. Il y a 55 millions de personnes pauvres et socialement exclues, d’« abandonnés  » de la croissance en Europe.

Cette situation est le reflet d’une mondialisation qui affecte les droits sociaux par une mise concurrence des États qui en sont les porteurs légitimes. La mondialisation des économies ne s’est pas accompagnée au niveau mondial, ni même au niveau continental, d’une réelle construction collective de droits sociaux. Il existe bien deux textes internationaux, le « Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels » des Nations unies et la « Charte sociale » européenne signés par un très grand nombre d’États. Mais pacte et charte ne permettent pas le dépôt de plaintes et ne sont donc pas « justiciables  » au niveau international.

Les pays de l’UE n’échappent pas à cette logique de concurrence des droits, aussi bien au niveau extracommunautaire qu’au niveau intracommunautaire. Ils sont ensemble, confrontés à la concurrence sociale des pays du Sud. Ils sont en concurrence quand 60% de leurs échanges extérieurs se font entre eux. Par référence au « modèle social européen », le développement de l’Europe des marchés aurait dû s’accompagner de la construction, en parallèle, d’une Europe sociale, sur le modèle de ce qui avait été fait au niveau de chaque État quand le marché intérieur était, principalement, à l’origine de la croissance. C’est le contraire qui s’est passé.

Sous la pression constante de la concurrence, les acquis sociaux à l’intérieur de chaque État sont remis en cause, le passage à l’Europe des Vingt-cinq risque d’accélérer ce processus. Dans les pays qui vont rejoindre l’Union, le système social se dégrade sous l’effet des politiques d’ajustements structurels et des privatisations. Le chômage y est massif, la part du travail informel progresse et donc du travail sans droits. La précarisation et la paupérisation de la population s’accentuent, les discriminations et la marginalisation de minorités comme les Roms s’exacerbent. Dans le processus d’intégration de ces pays on a été plus attentif au respect des droits civils et politiques qu’au respect des droits économiques et sociaux. Pourtant, droits civils et politiques, droits économiques et sociaux sont, comme tous les droits, indivisibles Cependant les occasions n’ont pas manqué pour bâtir cette Europe sociale réclamée par les mouvements sociaux européens. La rédaction de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la rédaction du projet de « traité constitutionnel  » ont été des occasions pour donner aux résidents de l’Union des droits sociaux identiques et pour lier concurrence économique et non concurrence des droits. Construire l’Europe sur un socle de droits fondamentaux communs, puis l’élargir à de nouveaux pays en donnant à leurs habitants les mêmes droits, n’est-ce pas construire une Europe des droits par le haut, au lieu, par la concurrence des droits, d’une construction par le bas?

Agir collectivement pourdes droits sociaux, des droits fondamentaux, reconnus à l’ensemble des résidents des pays de l’Union

Au niveau des Ligues de défense des droits de l’Homme- Association européenne pour la défense des droits de l’Homme, nous nous engageons pour revendiquer une Europe des droits sociaux et plus largement des droits. Les droits sont en effet universels, indivisibles et ils doivent être effectifs.

S’ils sont universels, ils doivent être communs à tous, mais les droits ne sont jamais des droits octroyés. Ils sont des droits construits collectivement et aujourd’hui leur construction doit se faire, en particulier, au niveau régional et international. Au niveau européen, nous devons progresser vers une Constitution où les droits fondamentaux seraient le socle des institutions européennes et où la citoyenneté européenne serait reconnue à tous les résidents permanents, quelle que soit leur nationalité. Il nous faut revendiquer mais il faut aussi se donner les moyens d’être entendus.

Pour cela nous devons élaborer ensemble des propositions et demander leur prise en compte au niveau européen. Cela nécessite de construire des réseaux et de se donner des rendez-vous. Avec plusieurs organisations associatives et syndicales nous avons mis en place à Bruxelles, en déc e m b r e 2003, le Réseau pour une Europe démocratique et sociale (REDS) qui se donne pour objet, d’échanger, de débattre, d’approfondir nos réflexions, autour des thèmes de la démocratie, de la citoyenneté, des droits sociaux, de l’égalité et de la paix.

Plusieurs rendez-vous nous attendent, fin mai à Rome, en octobre à Londres pour le FSE. Nous devons aussi nous org aniser pour agir collectivement auprès de nos gouvernements, puisque les décisions européennes se prennent au niveau du Conseil des ministres européen, auprès du Parlement européen et de la Commission européenne, pour imposer les choix que nous aurons élaborés ensemble.

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